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« Penser & faire le design ! »

Internet va-t-il en finir avec le magasin ?

Cinq questions à Olivier Saguez sur l’avenir du magasin physique et le rôle des designers pour rendre les lieux de commerce plus attirants.

 

Est-ce la fin du commerce physique ?
Le magasin physique n’est pas prêt de mourir dans la mesure où les gens n’allaient pas dans les magasins uniquement pour acheter ou bêtement acheter. Ils y allaient pour faire du lèche-vitrine, pour être étonnés, surpris ! On y va pour une chose informelle, rencontrer les autres, rencontrer la vie, rencontrer l’ailleurs. Se déplacer, voyager. C’est une façon de vivre. Le commerce, le marché, la foire, ce sont des endroits d’échange, de coups de gueule, de coups de cœur aussi. On en a évidemment besoin quand on sort du Covid. Le magasin a encore évidemment de beaux jours devant lui. Ce qu’il faut quand même, c’est lui donner un peu plus d’empathie. L’expression « je fais les courses » n’est pas bonne, faire les courses c’est courir, courir à droite et à gauche, etc. Si j’ai vraiment un besoin rapide, j’ai internet ou le drive qui me permettent d’aller vite. Faire ses courses c’est prendre du bon temps, c’est se faire plaisir, réussir ses envies. C’est prendre un bon moment, flâner aussi, se disperser un peu… C’est ça le shopping. Faire ses courses c’est internet, c’est très cartésien, c’est très comparatif. L’autre au contraire, c’est prévoir l’impossible qui est l’imprévu au coin de la rue.

Commerce durable : utopie ou réalité ?
Le développement durable agit dans sa façon de consommer et c’est là surement qu’il y aura à créer un repère clair qui est le bilan carbone réel du produit qui est vendu, pas seulement parce qu’il est fabriqué en Allemagne, mais comme en parti les composants viennent de Chine, c’est d’avoir son bilan complet, et voire même son bilan de destruction. Nous n’en sommes pas encore là mais ça va venir bientôt. Les gens sont un peu plus responsables et demandent de la responsabilité de ceux qui leur vendent des produits. On veut du local, pas forcément du bio mais au moins des produits d’ici. Les deux échelles que les veulent avoir c’est l’échelle de la planète et l’échelle du quartier, du village. Quand je fais mes courses, je veux être reconnu, je veux être dans un petit chez moi. Tout le monde se connait, tout le monde se respecte, et le magasin va évoluer vers ça. Le commerce de demain c’est forcément du design durable, du design honnête, local et un minimum écologique. Le minimum étant d’être respectueux socialement des gens qui travaillent avec soi dans le magasin.

Pour vous, c’est quoi un bon commerçant ?
Un commerçant ce n’est pas un bonimenteur, c’est quelqu’un qui aime les gens, qui aime les produits qu’il a sélectionné ou fabriqué et qui aime avoir le retour client. Être commerçant, c’est s’intéresser aux autres et à leur satisfaction. On créé un lien qui n’est pas uniquement un lien de vente mais un lien d’usage, du bon usage, qui est un lien indispensable à la vie. On achète trop de produits dont on ne se sert pas. Un bon commerçant est soucieux aussi de récupérer les produits dont on ne se sert pas, ou bien tout au moins de nous expliquer le bon mode d’emploi pour s’en servir.

Comment faire venir les gens dans les magasins ?
Ce qui compte, c’est dès le départ être souriant, naturel le plus possible, d’être le plus sincère, le plus empathique. Et ça se joue les dix premiers mètres dans le magasin. On voit vite chez qui on est. Ce qui compte dans ces premiers moments-là c’est établir la bonne relation. Le premier contact c’est le bon, comme le dernier. C’est ça être commerçant. Quelque part on a envie de retrouver aussi ce petit lien incommensurable. Celui qui me dit « Excusez-nous Monsieur, en ce moment dans nos toilettes il y a notre femme de ménage, mais attendez cinq minutes, prenez tranquillement votre café, regardez ce rayon de soleil vous fera du bien. » Non seulement il me parle bien mais en plus il me fait sourire. Ces moments de bonne relation sont très importants pour la vie quotidienne des gens.

Changer le commerce : en quoi le design est-il vital ?
À quoi sert le design là-dedans ? Le design c’est aussi changer l’attitude : je suis en ce moment dans un jardin, il fait beau, il y a du soleil, les fougères ont poussé… moi-même je me sens comme une plante, je suis en train de repousser, je me sens mieux, j’ai envie de respirer. Donc pour le design : la forme créé la fonction. La forme influence les gens qui sont dans le magasin et ceux qui vendent. Une lumière naturelle, une bonne qualité d’air ce n’est pas pareil, rendre lisible les choses… ça influence le comportement des autres. Le design a beaucoup d’importance pour détendre, recréer cette relation. C’est une affaire de savoir-faire et en même temps de bon sens. Comme peut le faire la nature dans ce qu’elle a d’apaisant sur le comportement des gens.

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