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« Penser & faire le design ! »

Jean-Jacques Pigeon débarque à la Manufacture Design

« Constructions », première exposition post-covid à la Manufacture Design, avec l’artiste Jean-Jacques Pigeon.

Jean-Jacques Pigeon pratique un art très contemporain, à travers une abstraction qui s’inspire de la nature. Il utilise des feuilles, branches ou brindilles pour peindre ou construire des oeuvres en volume, souvent monumentales, qui jouent et dialoguent avec l’architecte. Il existe chez lui une tension entre le géométrique et l’organique, entre l’austérité et le sensuel. Jean-Jacques n’hésite pas à s’inspirer de l’histoire de l’art dans des Wall Drawings figuratifs. Il réalise des oeuvres d’art uniques qui peuvent être monumentales, in-situ, pour des commandes publiques ou privées ou bien pour des entreprises en France comme à l’étranger. 

« J’ai eu la chance de rencontrer Jean-Jacques dans son atelier il y a plusieurs années, à la Manufacture des Allumettes d’Angers. Et c’est là, sous les tilleuls, qu’il m’a expliqué qu’un jour où il peignant dehors, les brindilles du tilleul sont venues tomber sur sa page blanche. La beauté du trait de la brindille a fait écho à son travail, à sa recherche du beau trait, des pleins et des vides, du trait de plume. Depuis ce jour il utilise les brindilles de tilleuls et de bouleaux comme matières premières pour dessiner ses oeuvres poétiques. Le dessin est très important dans son travail, tout comme est important pour lui le dialogue avec l’architecture, l’espace, le volume et la lumière. Il fait oeuvre avec le site pour obtenir un autre regard sur l’espace. Nous avons eu la chance de faire travailler Jean-Jacques sur deux de nos projets d’architecture et d’établir un dialogue poétique avec ses oeuvres monumentales dans l’espace. Durant le Covid, nous lui avons commandé une installation propre à réveiller notre Manufacture, à réveiller notre envie de nature et surtout notre besoin d’étonnement. Ses oeuvres de plus petit format ont été conçues pour la plus part durant ce triste confinement pour notre espace, sur la thématique qui nous est chère, la construction. La construction et ses fragilités, la construction de l’homme dans la nature et avec la nature, comme source d’émerveillement. Des constructions du monde du vivant en quelque sorte. » – Olivier Saguez

Les mots de Jean-Jacques Pigeon, réflexions à propos de « Constructions » :

Émerveiller | Quand on me demande ce qui motive ma recherche artistique, j’oublie généralement une évidence, celle de la quête de la beauté. C’est un terme que l’on manie avec précaution dans l’art d’aujourd’hui, mais cela ne me gêne pas de l’utiliser, de chercher une certaine forme d’émerveillement, de beauté dans ce que je réalise. Et quand bien même la beauté peut-être un piège, j’en suis conscient et je la revendique, qu’importe les critiques. Je cherche un ailleurs, pas un « ici », je cherche à ré-enchanter le monde.

Émouvoir | Et si la beauté passait par l’émotion que procure l’œuvre créée, voire l’œuvre en train de se faire. Il faut que je sois moi-même ému par ce que je fais, il faut que quelque chose d’indicible se passe pour que l’œuvre advienne. Quand un « je-ne-sais-quoi » de puissant apparaît, tel un souffle, il me semble trouver ce que je cherche, l’espace d’un instant, le temps d’une œuvre, et je peux espérer qu’il en sera de même pour un.e autre, mais là, je ne peux pas savoir, cela ne m’appartient plus.

Dessiner | Pour qu’il y ait émotion, j’en passe par le dessin. Je me permets de citer l’incontournable Henri Matisse :« Mon dessin au trait est la traduction directe et la plus pure de mon émotion. La simplification du moyen permet cela. » J’ai l’impression de ne faire que du dessin avec mes simples branches et brindilles, qu’il appartienne au registre figuratif ou non. Comme un trait de crayon ou de plume, la brindille crée la forme, et on ne peut guère oublier son existence, et c’est là pour moi tout l’intérêt. Je souhaite donner corps au trait, à la ligne, à la limite des formes. Je rêve de la limite des choses dans l’humilité de la brindille. Le trait de brindille a un corps, une épaisseur, une texture, une matière, une couleur, on ne peut en faire abstraction derrière ce qui est représenté.

Colorer | Je cherche l’accord entre le dessin et la couleur, une adéquation guidée par mes sentiments, l’humeur, l’environnement et la destination éventuelle de l’œuvre créée. Mon approche est très sensible. Je ne sais pas faire l’économie de la couleur quand je dessine avec mes morceaux de bois, la couleur est autant expressive que le tracé. La couleur est lumière, lumière profonde dans les branches plâtrées qui l’absorbent, tracés noirs très marqués des brindilles, ombres portées plus ou moins colorées, tout devient couleur-et lumière dans l’espace.

Architecturer | Comment peut-on négliger l’espace où s’inscrit l’œuvre ? Réduit-on alors l’œuvre à sa dimension décorative ? Ce sont ces questions qui me hantent. En quittant le cadre étroit du tableau de la peinture, je me confronte depuis une vingtaine d’années à l’architecture, je dialogue avec les lieux pour un travail in-situ, non transposable ailleurs en l’état. À la Manufacture Design, située dans cette ancienne usine de montage des Michelines et TGV, de dimensions imposantes et d’une grande puissance architecturale, où les éléments structuraux métalliques et massifs restent très visibles, je propose, la finesse, la fragilité, l’errance, comme un contre-point. Il n’y a que l’idée de transparence de l’édifice que je conserve. En vérité, je crée des liens, des accords et des désaccords avec cet environnement. Outre la transparence, on retrouve la couleur noire des poutres et poutrelles métalliques dans les Nids, mais le jeu très coloré des Cubes et Maisons vient en rupture, s’amuse du sérieusement bâti pour permettre d’y habiter.

Habiter, rêver | Si l’on parle d’habiter, ne pense-t-on pas à se nicher, à occuper un espace, à se mettre en sécurité du monde extérieur, à se percher ? Dans la Manufacture Design, on sent bien qu’il s’agit plus que d’un lieu de travail, il est habité, c’est un lieu de vie, où l’on se niche en divers points des espaces en fonction des moments de la journée, du projet en cours. A travers trois formes élémentaires d’habitations : le nid, le cube et la maison, je propose un ensemble d’œuvres qui s’appuient sur des formes géométriques simples : le cercle, le carré – voire le carré long sur la base du nombre d’or – et le triangle pour créer des refuges imaginaires. Je rêve d’habitats circulaires pour les oiseaux ou autres êtres vivants, je rêve de transparence, je rêve du réemploi de branches et brindilles, je rêve de mobilité, je rêve en couleur…

Construire | Je donne forme à mes rêves en construisant ces nids noirs qui se reflètent dans les miroirs pour leur donner encore plus de profondeur, ces maisons basses ou hautes avec des mesures basées sur le Modulor de Le Corbusier, ces cubes perchés ou posés sur le sol, sur les miroirs. Les brindilles de tilleul ou de bouleau peintes une à une et attachées minutieusement à une armature métallique très discrète permettent de jouer de la tension entre le rigide et le souple, entre le géométrique et l’organique. De manière très minimaliste, de simples traits dessinent les formes également élémentaires. Tout est transparent et pourtant les volumes existent, l’air circule, la relation plein-vide est dynamique. Tout est immobile et pourtant tout semble en mouvement, en vie.

Un projet soutenu par La Fondation Saguez, le design pour tous.
Pour découvrir le travail de Jean-Jacques Pigeon, ça se passe ici.

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