Hors-série 2019 – Le magazine LSA a interrogé Olivier Saguez et une vingtaine de professionnels du monde de l’immobilier commercial, sur ce que sera, pour eux, le centre commercial de demain.
Des oiseaux, des marchés et des poètes
Le centre commercial a beaucoup changé en 25 ans, et c’est tant mieux. Souvenons-nous, c’était la très grande ligne de caisse d’un hyper, une très grande galerie, parfois une grande boucle pour bien nous boucler… et un très grand parking bien visible en façade. C’était au fond d’un très… grand ennui, et tout y était fait pour consommer le plus possible avant de retrouver enfin la sortie. Le grand changement a été d’ouvrir les centres commerciaux, au sens physique du terme, sur la ville et donc sur la vraie vie. On a beaucoup changé le contenant et beaucoup moins le contenu.
Pour autant, pourquoi les aime-t-on toujours si peu ? Pourquoi adore-t-on le centre ville avec son marché, ses places historiques et romantiques, ses terrasses où l’on s’installe pour voir et être vu, son boulanger et son poissonnier avec qui l’on refait le match, ses sorties d’écoles, ses rues tortueuses et ses grands boulevards où l’on « trottine-shopping » ? Parce que c’est la vie multiple, certes plus chère et moins « garable », mais c’est la vraie vie !
Alors, ce centre commercial, pour le faire aimer beaucoup ou passionnément, on fait comment ? Premier point : c’est bien connu, quand on entend les oiseaux, le bonheur n’est jamais loin. Alors, tant qu’à sortir de la ville, autant se retrouver dans la vraie nature. Une nature avec beaucoup d’arbres, du soleil, de la pluie – oui, à ciel ouvert -, des arbres fruitiers qui fleurissent au printemps où les oiseaux viennent gazouiller. Des lieux plus naturels avec des fougères, des rochers, du thym, du romarin, quelques cultures agricoles de nos belles provinces, de l’eau bien sûr, une cascade ou une rivière… La construction est forcément en bois, avec une folie végétale pour cacher les vilaines voitures.
Point deux : à quand un vrai marché dans le centre commercial ? Un marché ou plutôt… une halle gourmande avec sa gouaille, ses arrivages, ses saveurs, ses odeurs, ses bistrots, ses comptoirs où l’on peut manger sur le pouce. Imaginez d’immenses tables d’hôtes où l’on déguste des cuisines de rue en refaisant le monde… Parce qu’il faut bien le dire, la fringue et la cosmétique, c’est un peu toujours pareil et ça ne suscite pas les rencontres. On achète pour soi et on ne partage pas, on ne se rencontre pas. Alors, vive la bouffe et ses partages !
Troisième point : animons les lieux avec des poètes qui nous imagineront des envols de papillons géants, des défilés de fées, des chats bottés, des jets d’eau qui se transforment en pluie de pièces d’or ou encore des chanteurs de rue qui sifflotent gaiement du Souchon… Parce que le commerce sera toujours le commerce : des produits et des gens, des rencontres et des découvertes, des bons moments et des petits bonheurs qui dessinent une vie à la Sempé.
Le designer reprend la main pour remettre de la sensibilité et de l’inattendu dans les centres commerciaux de demain. De la nature, de la bouffe, des rencontres, de la gouaille, de l’ambiance et de la poésie