Interview Les Échos – Designer et président-fondateur de Saguez & Partners, situé depuis deux ans à la nouvelle Manufacture Design, dans l’éco-quartier des Docks de Saint-Ouen, Olivier Saguez explique comment le design aide à la transformation des organisations.
Design thinking, creative thinking… Pour quelles raisons les entreprises adoptent-elles à grande échelle les méthodes du design ?
Pour expliquer cette tendance, il faut revenir au sens du mot design. D’une part, le design aide les marques à se différencier. D’autre part, il analyse et répond aux usages. Il y a une quarantaine d’années, lorsque l’on parlait de design, on pensait produit. Avec les mutations de notre société, avec les transformations de nos comportements de vie, le design s’est imposé dans la relation de service. Le design est global, il infuse partout, aussi bien dans le positionnement stratégique de l’entreprise que dans sa politique d’offre produits, d’offre services et même de prix. Le design est un dessein, avant d’être un dessin. Axe stratégique de la transformation des organisations, il tend à se situer au plus près du board. C’est déjà le cas dans des grandes entreprises comme SNCF, Orange, Carrefour… Pour les petites et moyennes entreprises, et les ETI, le poste de pilotage de la marque est très souvent à la direction générale de l’entreprise.
Cela signifie-t-il que tous les collaborateurs peuvent se transformer en créatifs ?
Etre créatif signifie avoir un bon sens de l’observation et de l’imagination. Tout le monde ne peut pas être créatif, mais chacun peut contribuer à la réalisation d’une idée forte. Le mode collaboratif s’impose pour reformuler la problématique, analyser ses limites, ses contraintes, ses points de frictions et sa faisabilité. Quel que soit le projet d’entreprise, il est primordial d’embarquer tous les collaborateurs, avec une vision qui donne le cap et qui est incarnée par quelques personnes, les pilotes du projet. Pour ces raisons, je crois davantage à la coopération qu’à la co-création.
Outre le collaboratif, vous préconisez également la technique du « bac à sable » : de quoi s’agit-il ?
Ce que j’appelle le « bac à sable », c’est la phase d’expérimentation en temps réel, sur le terrain, en mode « test and learn ». C’est prototyper l’idée, même de façon « bricolée », en la confrontant à son public, à son exploitation. Seule l’expérimentation concrète permet de vérifier l’impact de l’idée, la perception de la marque, les bons usages, les contraintes… Les marques, les produits et les services sont encore souvent en retard sur les nouveaux usages des gens qui vont de plus en plus vite, dans un monde qui s’accélère. C’est également l’occasion de rétablir le collaboratif comme ici, dans notre Manufacture Design, un lieu mi-campus, mi-laboratoire, mi-co-working, qui permet d’être plus rapide et plus réactif. Nous y avons même fondé la première école en agence qui propose un master design, Design Act!
Quelles sont les transformations induites par la préoccupation des usages ?
Le designer se place du côté des utilisateurs et des usages. Les marques et les entreprises qui ont intégré l’expérience utilisateur, grâce à des outils comme le design thinking, le mode projet ou le collaboratif, ont déjà une longueur d’avance. Cela implique aussi un changement de la posture managériale. Si l’on veut que le supertanker se déplace à vive allure, il faut que tout le monde avance en même temps, que tout le monde soit concerné et impliqué. Le rôle du designer, avec son sens de l’observation, sa capacité à imaginer, à se placer du côté de l’utilisateur, est d’accompagner l’entreprise dans ses nouveaux usages produits, services, jusqu’aux nouvelles méthodes de management.
Interview publiée le mardi 26 février dans Les Échos
Journaliste : Julie le Bolzer