Grand témoin de la future édition de Shop! Le Salon, qui se déroulera les 4, 5 et 6 avril prochains à Paris Porte de Versailles, le designer Olivier Saguez revient sur la nécessaire transformation du retail physique et le rôle du design pour qu’il conserve son attirance.
» Le magasin physique n’est pas prêt de disparaître… On y ira seulement moins, mais mieux ! », juge Olivier Saguez, président fondateur de l’agence de design Saguez & Partners, pour qui le commerce physique doit se réinventer s’il veut continuer à attirer, et surtout à vendre face aux nouveaux canaux digitaux. Intervenant en ouverture de la prochaine édition de Shop! Le Salon, il partage son analyse.
« Le commerce, c’est la vie dans la ville. C’est un espace de rencontres et de sociabilisation qui, si on prend un peu de recul, n’a que peu changé pendant des milliers d’années, jusqu’à la généralisation du libre-service. Cette transformation était portée par le désir des consommateurs de bénéficier de prix plus bas, de gagner du temps et d’être plus libres et indépendants dans leur manière d’acheter », indique Olivier Saguez. Cette logique a poussé les distributeurs à investir dans des magasins toujours plus grands afin de maximiser les économies d’échelle, jusqu’à ce que l’e-commerce se développe, porté par les mêmes avantages qu’offrait alors le libre-service : des produits moins chers, un gain de temps et une plus grande liberté. « Le Covid a été un accélérateur, puisqu’au-delà du retail, tout s’est digitalisé : travail, école, relations sociales… »
Face à ces évolutions, mais aussi aux crises de pouvoir d’achat et de mobilité, le magasin physique doit se transformer pour continuer à attirer, au-delà de « l’effet rebond » du retour à une vie normale après de multiples confinements. « Chaque magasin connaît une situation spécifique, liée à son emplacement géographique, son secteur, etc. Mais une question reste : pourquoi se rendre en magasin ? Qu’est ce qui le distingue d’Internet ? Ma réponse est : la recherche de l’empathie, et de la surprise, de l’inattendu. C’est aussi ce qui nous pousse à aller au stade ou à un concert plutôt que de rester devant notre télévision. On ne sait pas sur quoi on va tomber, quelles rencontres nous allons faire, quelles émotions nous allons vivre… »
Adopter des marqueurs forts et distinctifs de l’e-commerce et des autres enseignes
Le designer décrit alors un magasin plus humain, plus serviciel et expérientiel, peut-être plus proche du commerce d’antan, où l’on va pouvoir développer une vraie relation avec les vendeurs, participer à des cours et des ateliers, ou encore simplement déguster sur place les produits que l’on vient d’acheter dans un décor instagrammable. Des évolutions que l’on retrouve bien dans les grandes tendances du retail ces dernières années, inscrites dans des concepts comme le retailtainment ou les « sans apprenants », et qui expliquent la propension des pure-players à investir le monde physique au travers de pop-up stores.
« C’est ce que nous avons fait par exemple pour le Groupe Pernod-Ricard et son concept Drinks&Co, une place de marché qui se décline désormais en boutique physique, à mi-chemin entre le bar et le caviste. Y sont organisés des afterworks, des ateliers de mixologie… C’est un lieu pour créer le lien, percevoir les goûts et les attentes des consommateurs. La rentabilité n’est pas la priorité, et c’est ce qui fonctionne ! », explique Olivier Saguez, qui évoque d’autres marques qui n’étaient pas des distributeurs, avant de développer des enseignes attractives, à l’instar de Nespresso ou d’Apple. « L’expérience est forte, et le lieu est inimitable, avec des marqueurs forts. C’est ce qu’il faut privilégier aujourd’hui, alors qu’Internet a lissé l’offre, et que le développement des chaînes a rendu les centres-villes identiques, avec des magasins qui se ressemblent tous… Il faut de l’originalité. Si vous allez à Marseille, ce n’est pas pour vous retrouver dans une copie de Paris ! »
Pour lui, le magasin doit redevenir marquant, unique, et les marques doivent aller puiser dans leur ADN ce qui les distingue des autres, que ce soit au niveau du service, de l’ambiance ou de la conception même de son métier. « IKEA est un bon exemple : leurs marqueurs, ce sont les espaces pour les enfants à l’entrée, la mise en scène des produits et enfin l’espace restauration. Ils ne vendent pas que des produits, mais un style de vie. Vous ne trouvez rien de cela chez les concurrents. »
Et le design dans tout ça ? « Le design, c’est mettre le fond en forme. C’est justement le rôle du design de mettre en lumière ces marqueurs et de les rendre signifiants. En réalité, peu de visiteurs d’IKEA laissent leurs enfants à l’entrée du magasin. Pourtant, c’est un message fort adressé à tous les visiteurs : nous pensons aux enfants et nos produits sont faits pour les familles. C’est un cas d’école. Transformer l’ensemble des magasins d’une chaîne ou adresser l’ensemble des sujets du magasin est une tâche colossale, c’est pour cela qu’il faut se focaliser sur des marqueurs forts, et les rendre visibles dès l’entrée du magasin, pour attirer. »
Article publié sur emarketing.fr, le 15 novembre.
Photo : Drinks&Co, Paris.
« Comment redonner envie aux gens d’aller en magasin ? »
Conférence par Olivier Saguez, Shop! Le Salon.
Mardi 4 avril 2023, de 14h à 14h30.
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