Au royaume du Bla-bla
Petit conte d’un été trop chaud…
Olivier Saguez, marqué par l’incendie planétaire de l’été, croit à la nécessité d’agir vite et d’arrêter le bla-bla. Petit conte d’un été trop chaud, publié cette semaine dans Design Fax.
« J’ai toujours en tête la vision de l’arche de Noé et qu’il faut se préparer non pas pour un déluge, mais pour un embrasement général, et qu’il faut emporter tous ceux qui comptent demain pour agir et sauver la Terre. Noé a préparé son grand bateau, avec tous ceux qui seront utiles pour reconstruire un futur ou plutôt pour une future planète plus douce, car apaisée, solidaire encore. Les animaux sont déjà à bord, au fond de la cale, les arbres et les plantes aussi, avec leurs graines. Mais maintenant Noé sait qu’il doit choisir les Hommes et qu’il est attendu… au tournant du quai. Noé compte toujours en paire, une femme, un homme. Il compte, cette fois à haute voix, d’une voix forte qui porte loin et qui inspire le respect : deux ingénieurs, deux marins, deux charpentiers, deux docteurs, montez, deux boulangers, deux chirurgiens, grimpez, deux scientifiques, deux pêcheurs, deux instituteurs encore, deux chercheurs, deux menuisiers, deux architectes, allez grimpez, deux mécaniciens, deux paysans, deux éleveurs, deux infirmiers, encore deux ingénieurs bioclimatique, vite dépêchons montez, deux bûcherons, deux arboriculteurs… et puis, après une ultime sélection, encore deux poètes, car oui, il faut aussi des imaginatifs ajoute-t-il à la cantonade. Sur le quai, il reste encore du monde, deux financiers, deux hommes du marketing, deux community manager et même beaucoup de monde… Et, c’est là qu’éclate une dispute : il reste encore deux places annonce Noé. Deux intellectuels – deux communicants sans doute ? – se battent avec les deux designers. Les designers disent qu’ils sont dans l’utile, que leurs cousins sont les ingénieurs et qu’ils vont travailler avec eux. On palabre et puis les designers sont choisis, et montent à bord. Les deux intellectuels continuent de discuter du pourquoi et du comment, du récit qu’ils devraient faire, de la part du narratif… Bref, le bateau part sans eux ».
Olivier Saguez
À lire dans Design Fax, lundi 12 septembre 2022.