« Nous sommes aux prémices d’une révolution majeure des lieux de travail. » Valérie Parenty, INfluencia, décembre 2020
Directrice Associée en charge de la stratégie et du développement de l’agence Saguez & Partners, Valérie Parenty nous explique en quoi la crise sanitaire va contraindre les entreprises à réaménager leurs locaux afin de s’adapter à nos nouvelles attentes professionnelles.
INfluencia : la crise sanitaire et les confinements imposés aux quatre coins du monde ont contraint des millions de salariés de travailler de leur domicile. Croyez-vous en un « retour à la normale » lorsque cette pandémie aura disparu ?
Valérie Parenty : cette pandémie marque un tournant. Il y aura certainement un « avant » et un « après ». Depuis la rentrée, nos clients nous posent énormément de questions concernant le télétravail. Beaucoup d’entreprises ont accepté que leurs collaborateurs continuent de travailler deux ou trois jours par semaine à leur domicile lorsque la crise sanitaire aura pris fin mais leurs dirigeants se demandent aujourd’hui comment ils vont persuader leurs salariés à revenir au bureau le reste du temps. Ils réalisent qu’ils vont devoir réaménager leurs espaces afin que leurs employés se les approprient. Ils doivent pour cela s’adapter aux nouveaux usages qui commencent à apparaître.
IN. : quels sont ces usages justement ?
V.P. : les espaces vont devoir être plus collaboratifs. Il va falloir les concevoir en fonction des usages et non plus des fonctions ou des échelons hiérarchiques. L’unicité de lieu qui existait jusqu’à maintenant va laisser place à un archipel de bureaux dédiés à la formation, à la transmission et à la culture d’entreprise. Il sera nécessaire de réorganiser les parcours au sein des sièges sociaux. Nous allons également désormais travailler dans plusieurs lieux différents. Au bureau, dans des espaces partagés plus proches de nos domiciles et à la maison. Nous sommes aux prémices d’une véritable révolution.
IN. : cette lame de fond est apparue avec le Covid ?
V.P. : nous parlons de ce phénomène à nos clients depuis près de cinq ans mais la crise sanitaire a accéléré ce mouvement profond. Les bureaux ne seront plus des espaces fermés mais des lieux d’échanges comprenant une multiplicité d’endroits conçus pour se rencontrer. Au nouveau siège mondial de Pernod Ricard que nous avons imaginé, il existe 2,3 places assises pour chacun des 970 collaborateurs qui travaillent sur place. Autrefois répartis sur sept sites différents, ces salariés ont tous été rassemblés dans le quartier populaire de Saint Lazare à Paris. Ce lieu, baptisé The Island en référence à l’île des Embiez acquise par Paul Ricard en 1958, propose des ambiances variées et une dizaine de postures de travail différentes pour inciter les gens à bouger selon leurs besoins tout au long de la journée. Véritable « bureau-hôtel », il offre des services efficaces et précis pour simplifier la vie : conciergerie, salle de sport, quatre restaurants, game room, pause zen et bien-être sur réservation, click & collect, travel lounge avec douche et salle de repos… Ses 1200 m2 de terrasses végétalisées, ses couleurs chantantes (bleu azur, bleu Klein, ocre, safran, vert Égypte, beige sable…), ses matières naturelles (bois clair, cannage, terre cuite, voilage en lin, panneautage style « guinguette ») et les objets chinés placés ici ou là permettent de s’aérer, de souffler et de s’évader. On parle aujourd’hui de design d’usage et de design relationnel. Nous avons une vision nettement plus sociologique des choses. Il est nécessaire de voir l’humain sous sa forme holistique. Le design s’intéresse aujourd’hui aux relations au sein de l’entreprise et aux liens entre les collaborateurs et l’endroit dans lequel ils travaillent.
Ce siège, baptisé The Island a été créé par Saguez & Partners, en référence à l’île des Embiez acquise par Paul Ricard en 1958…
IN. : le confort est un autre élément important…
V.P. : sans aucun doute. On parle même aujourd’hui de la notion de « care », de soin et d’attention. Le lieu de travail doit devenir un cocon. La lumière, l’ergonomie, l’acoustique… Tout doit être pensé et conçu pour que le collaborateur se sente protégé.
INfluencia, 7 décembre 2020. Lire l’article.
Journaliste : Frédéric Therin